Psychologue clinicienne et psychanalyste au 4, rue Cambon 75001 Paris
Véra Fakhry

Véra Fakhry, psychologue et psychanalyste à Paris 1er.
Séances en cabinet ou à distance.

Procréer, transmettre, vivre

Transmettre la vie ne va pas de soi. Tomber enceinte n’est pas une évidence. Des facteurs biologiques mais aussi psychologiques entrent en ligne de compte dans la procréation d’un nouvel être, maillon de deux chaines transgénérationnelles. Dans un moment crucial de transmission, l’enjeu est souvent inconscient.

Le moment de la grossesse est singulier. Que ce soit pour la mère qui porte son enfant, ou le futur père, un être arrive, bouleversant la configuration du couple parental. Comment devenir mère lorsque celle qui le devient fut elle-même adoptée ? Comment se sentir mère lorsque le déni de grossesse laisse un mois pour se préparer à être parents ? Comment expliquer des grossesses successives ou l’absence de grossesse alors que qu’aucune donnée biologique ne l’empêche ?

Le temps « transparence psychique », concept proposé par Monique Bydlowsky psychanalyste, me semble essentiel à prendre en compte pour mieux appréhender les enjeux qui sont à l’œuvre lors de la procréation d’un être humain. Ce concept suppose de dire, que ce temps de gestation est un moment où l’inconscient est particulièrement « à fleur de peau », dans le sens où, les contenus inconscients, sont exceptionnellement saillants. C’est comme si « la boite à Pandore » personnelle était ouverte, et que des souvenirs, des rêves, des images, des émotions affleuraient à la conscience de la mère. Cette émergence est parfois bouleversante, en particulier dans les derniers temps de la grossesse et les premières semaines du devenir parent. Durant ce temps rare, la psyché perméable participe au travail de transmission, interrogeant le sens d’une filiation -ou son non-sens apparent-, mettant à jour des scénarios familiaux, des nœuds transgénérationnels, des deuils encryptés.

Explorer en séance, pendant la grossesse, l’histoire familiale permet dans ce temps particulier de détisser, de dénouer parfois certains nœuds transgénérationnels plus clairement identifiables.

Car le devenir mère, devenir père (les pères vivent aussi ce qui est convenu d’appeler la « couvade », une sorte de gestation psychique qui peut avoir des effets sur le plan physique) est un travail psychique en soi : l’instinct ne suffit pas. Devenir une maman, devenir un papa est un chemin, c’est changer de place générationnelle, c’est faire le deuil d’être uniquement l’enfant de son parent, c’est interroger sa part du bébé qu’il fut autrefois ; il s’agit d’un réaménagement identitaire profond, qui crée parfois un vrai séisme intérieur, en termes de transmission des ascendants et descendants.

C’est pourquoi le déni de grossesse n’est pas anodin et a un sens caché.

C’est pourquoi, donner la vie et porter un enfant, ce n’est pas si simple.

Enfin une dépression post-partum n’est pas à prendre à la légère, car l’émergence d’éléments inconscients, enfouis, parfois, depuis des décennies, ont des conséquences parfois considérables. Comme disait Socrate « tout ce qui ne tue pas renforce ».

Encore faut-il en avoir conscience, encore faut-il pouvoir traverser ce moment.

Etre enceinte et devenir mère

« Comme toute rencontre d’amour, l’amour parental, l’amour maternel est une surprise.» Monique Bydlowski, psychanalyste.

La grossesse favorise un état psychique particulier nommé « état de transparence psychique » par la psychanalyste Monique Bydlowski. « Cet état psychique rare, qui dure pendant la grossesse et perdure quelques semaines seulement après l’accouchement, » permet à des fragments de l’inconscient d’émerger comme rarement à la conscience : l’état de conscience parait ainsi modifié car le seuil de perméabilité à l’inconscient et au préconscient est abaissé. Ainsi, des reviviscences mnésiques, des fantasmes régressifs, des angoisses archaïques et préœdipiennes surgissent, soulignées par Missonnier : il est important à ce moment précis de pouvoir écouter la mère qui en fait la demande car ce matériel psychique unique et riche et ne sera accessible que quelques semaines suivant la naissance. Le suivi de grossesse est particulièrement indiqué et porteur dans ce moment rare de levée de refoulement. Lors de la transmission s’énonce souvent un secret de famille. La mère, à sa propre surprise délivre des confidences et ainsi une grande quantité de « matériel qui survient en suites de couches ». Aujourd’hui, la jeune accouchée reste peu de temps à la maternité, lieu pourtant hautement symbolique et porteur pour cette nouvelle mère. Elle doit très vite « être mère » alors que ce processus psychique est long. Le temps de gestation, 9 mois, permet de cheminer. C’est pourquoi un déni de grossesse est violent à vivre, en ce sens que cette temporalité nécessaire manque.  L’accouchement ne rend pas forcément mère pour autant, surtout dans le cas d’accouchement où la maman a perdu conscience, par exemple, durant l’accouchement. Il faudra parfois un long temps, en fonction de son histoire personnelle, pour que cette dernière se sente légitimement mère, surtout dans le cas d’une première grossesse compliquée.

La grossesse engage déjà la maternalité, le devenir mère d’une femme. Le suivi de grossesse, lorsque celle-ci angoisse la future mère, est donc une vraie opportunité de lever des angoisses, de traverser cette gestation dans les meilleures conditions afin que la transmission se fasse dans des conditions optimales tant pour la mère, pour le père que pour le bébé. 

Baby blues, une légère dépression

Après plusieurs mois de grossesse d’attente mais également de « cohabitation », le nourrisson est là. Voilà quelques jours qu’il a poussé son premier cri et la jeune mère regarde son enfant avec émerveillement quand soudain, c’est l’angoisse monte, elle se met à pleurer sans transition aucune, et l’enfant se joint à elle de concert : c’est le baby blues.  En cette période succédant l’accouchement, « le cristal du Moi maternel » selon S. Lebovici, serait désorganisé. En effet, autour de cette naissance se dévoilent une multitude de facettes qui font advenir celle qui vient d’accoucher, mère. Pour faire un parallèle avec la fameuse phrase de S. De Beauvoir, soulignons que l’instinct maternel tant idéalisé, n’est pas une généralité, et qu’ « on n’est pas mère, on le devient ».
Le concept de maternalité, notion de  Racamier, couvre une période de 2 ans où la jeune accouchée va progressivement devenir mère. Devenir mère, c’est quitter la place de fille que cette mère occupait dans la chaine familiale ; devenir mère, c’est rendre sa mère et sa belle-mère, grand-mères. Devenir mère, c’est s’identifier au père de son enfant comme un couple de parent.  Devenir mère c’est, outre être une femme, épouser cette place que le père du nouvel enfant a connu : à savoir une place de mère comme le fut sa propre mère.

Le nouveau statut de maman, l’accouchement qui a créé une césure entre la mère et son enfant, la danse des hormones, la montée de lait…Du corps à la psyché, tout indique qu’un temps a pris fin, qu’un nouveau s’inaugure. Et si d’autres grossesses ont précédé cette naissance pour cette même femme, aucune grossesse ne ressemble à une autre. Tantôt joyeuse et légère, tantôt lourde et angoissante sur le plan psychique, le déroulé de ce temps de gestation n’est pas prévisible. Question de moment de vie où s’invite cet enfant, question transgénérationnelle. Selon la position que la future mère occupe dans sa propre famille ou fratrie, les projections, c’est-à-dire, ce que la mère image sur son enfant à venir, va avoir une empreinte sur sa psyché et conditionner, à son insu, la venue de son enfant. Quelle mère a-t-elle eu elle-même ? Quelles furent les circonstances de sa naissance ?

Le baby blues intervient à un moment singulier où une autre communication s’inaugure entre la mère et son bébé ; à présent séparés de corps, ils communiquent différemment : aux sensations corporelles succèdent des attitudes, des mots, des gestes, des regards. Ainsi comme le postule D. Winnicott, la mère, dans sa préoccupation maternelle primaire « tente de saisir les indices en provenance de son enfant ». Courant, le baby blues survient en général 3 jours après la naissance par voie normale, 7 jours après une césarienne. Comme le souligne M. Szejer, psychanalyste « Quand le moral tombe, le lait monte ». Ce moment est important, c’est un moment de transition entre le moment aquatique et la fusion des corps et cette première séparation de corps, si je puis dire, que Dolto qualifiait de « castration ombilicale » : le cordon est coupé et ainsi une autre situation s’inaugure. Toutes les attentions portées vers le nouvel arrivant, à présent distinct d’elle, accentue pour la nouvelle maman, cette sensation de perte.

D’ailleurs, dans certaines sociétés où le baby blues existe peu ou prou, un véritable rituel de naissance inaugure ce moment : ainsi la jeune accouchée japonaise reçoit, lorsqu’elle rentre à la maison, une boite en bois précieux dans laquelle est conservé le cordon ombilical de son enfant. Le baby blues admis comme naturel, semble absent des sociétés, où il existe un rituel d’accueil à la naissance, tant pour la mère que pour l’enfant. En effet, dans certaines cultures une gamme de rituels sacre ce moment. Elle marque des passages essentiels de la vie humaine. Ainsi la venue d’un enfant, comme l’entrée dans l’adolescence ou le décès sont marqués par des rites bien spécifiques. En Afrique noire, par exemple, où la vie et la mort sont intimement liés, la tradition, dans le cadre du rite d’oblation auprès du mort consiste au maternage de ce dernier qui est, tel le nourrisson, bercé entre les seins, puis entre les cuisses d’une femme, puis massé avec de l’huile ou une peau de banane, cajolé puis recouvert. 

Le baby blues peut être très mal vécu par certaines mamans, surtout si c’est leur premier enfant. Un suivi psychologique postnatal peut permettre de dénouer certains nœuds transgénérationnels et être l’occasion de partir sur de bonnes bases dans son « devenir mère » ou « devenir père » avec son enfant. Si le père n’enfante pas, il vit néanmoins cette gestation parfois sur un plan très intense lui vivant une véritable « couvade ».

Travailler ce moment qui d’ores et déjà bouleverse notablement la psyché peut être salutaire d’autant que le moment de « transparence psychique », où les pensées, fantasmes et rêves, soit une vie psychique inconsciente particulièrement féconde, dure encore quelques semaines après l’accouchement.

Dépression post-partum et dépression du nourrisson

« L’enfant hérite de ses ascendants, des dits et non-dits qui président à sa conception, mais aussi des générations précédentes ». Monique Bydlowski, « Je rêve un enfant » 2011.

La dépression périnatale peut, contrairement aux idées reçues, tout autant concerner la mère et /ou son bébé. Le père peut également vivre cette dépression postnatale.

La dépression post-partum ne prévient pas, même si certains signes peuvent sensibiliser une équipe de soins aguerrie en maternité. En effet, rarement le continuum d’un baby blues, elle peut faire suite, pour la jeune mère, à des complications physiologiques ou psychologiques survenues pendant la grossesse, comme la suite d’un déni de grossesse, par exemple. Alors que tout semblait s’être finalement bien déroulé à la maternité, la dépression post-partum semble désarmante car contrairement au baby blues, elle apparait plus tardivement, dans l’année qui suit l’accouchement. Outre un sentiment de tristesse intense, une apathie, des difficultés à se nourrir ou à dormir pour la mère, cette dépression également appelée psychose puerpérale est grave puisqu’elle met en danger la santé psychique tant de la mère que de son bébé. En effet, cet état psychique se manifeste par une difficulté majeure à investir son enfant, voire une impossibilité à en prendre soin, voire à une angoisse de lui faire du mal. Niche d’une culpabilité massive, voire de plaintes mélancoliques, elle voit la mère être hors de la réalité avec parfois la naissance de délires et d’hallucinations qui peuvent mener à des actes graves. Cette dépression grave ne résout pas sans aide, sans l’aide de l’autre. Pourquoi et comment ? Pour comprendre ce qui crée cette décompensation psychique, pour visiter l’envers du décor et pouvoir prendre du recul sur sa propre souffrance.

Chaque histoire est singulière. C’est dans le cadre d’une psychothérapie que peuvent se comprendre et se dénouer certains nœuds gravés dans l’inconscient individuel et familial. La naissance, moment de transmission par excellence, traine son lot de blessures transgénérationnelles. L’enfant étant issu de 2 lignées distinctes, il est porteur tant des représentations paternelles que les représentations maternelles qui affectent autant qu’elles construisent ce nouvel être.

Sur le plan inconscient, les enjeux de la maternité sont majeurs. Il n’est donc pas étonnant que cet événement qu’est la naissance, puisse éveiller, à l’insu de la mère, dans ce moment de transmission psychique, une blessure antérieure formant ainsi un traumatisme et provoquant une sorte de cataclysme psychique. Ainsi, cela peut rejouer pour la mère, le bébé qu’elle a pu être, par exemple. En effet, les préoccupations et projections angoissantes de la mère dépressive, se focalisent souvent sur l’enfant. C’est comme si la nouvelle mère s’identifiait plus à son enfant qu’à son être mère barrant ainsi l’accès à sa « maternalité ». A moins qu’un deuil d’une grossesse précédente vienne se réactiver à l’occasion de cette nouvelle naissance. A moins que les conditions mêmes de sa propre naissance (naissance sous x, adoption) viennent s’exprimer à ce moment clé. En effet, quand il est impossible de se remémorer psychiquement un vécu difficile, les parents, la mère mais aussi le père, rejouent, à leur insu, comme le soulignait Freud « un scénario qui se souvient pour eux ». Cet événement personnel, même très ancien, qui en resurgissant effracte le psychisme et rompt la barrière du Moi, déborde alors la capacité de la mère à contrôler ce qui surgit. Au lieu de s’en souvenir, elle met en actes une situation qu’elle ne peut pas penser.

Survenant dans l’année qui suit l’accouchement, la dépression post-partum peut avoir de lourdes conséquences sur la vie psychique du bébé. C’est une occasion, parfois unique, de pouvoir élaborer en thérapie ce qui se joue afin de donner un sens à cette dépression parfois tragique. Il est important de ne pas laisser s’installer une dépression post-partum, non seulement parce qu’elle peut perdurer et mettre le duo mère bébé en danger mais aussi parce qu’elle est l’occasion d’inaugurer un nouveau lien mère-enfant, pierre d’ancrage du futur adulte que sera un jour ce bébé.

Dépression du nourrisson : A l’écoute psychanalytique du bébé

« Le bébé déchiffre, sans comprendre par les mots, le langage du corps et les sentiments ». Monique Bydlowski

Dès les années 40, R. Spitz attire l’attention sur certaines formes de dépression chez le bébé, liée notamment à la séparation brutale d’avec la mère, révélant ainsi la nécessité d’une prise en charge psychanalytique chez les bébés. Dans les années 70, aux Etats-Unis, S. Fraiberg, psychanalyste innove en faisant des suivis à domicile des familles ; en France, c’est Françoise Dolto, qui innove un nouveau protocole et adapte la psychanalyse aux bébés en instaurant à l’hôpital Trousseau, puis à la pouponnière d’Antony une consultation « publique ». Ainsi était inaugurée la psychanalyse pour les bébés.

Troubles digestifs, sommeil perturbé, problèmes respiratoires, atteintes dermatologiques, pleurs incessants, agitation, perte de poids, hypotonie, anorexie, apathie, silence … autant de symptômes interprétés par l’écoute psychanalytique comme un langage organique, proposeDenis Vasse, à travers lequel le bébé exprime son malaise, voire sa souffrance.

Dès les premiers temps de sa vie, le fœtus est extrêmement perméable à son environnement. D’abord, au sein du giron maternel, goutant, écoutant, ressentant ce que la mère vit pendant la durée de la grossesse. Le fœtus a des capacités cognitives élaborées et ce temps de gestation intra-utérin représente sa première accroche au monde, constitutif d’une sorte de préhistoire anténatale. L’haptonomie, créée par F. Veldmann, qui consiste à en des interactions tactiles et vocales anténatales entre le fœtus, et ses parents, l’exemplifie pleinement. On peut donc comprendre le traumatisme que peut causer à un fœtus la mort in-utéro de son jumeau, ou celui d’une réduction embryonnaire mal vécue ou douloureusement refoulée par sa mère. Ces événements font et feront inconsciemment pleinement partie de sa vie d’humain. Nouveau-né, il continue donc à être très sensible aux interactions avec son entourage et plus particulièrement de sa mère (ou du maternant, le père par exemple). Joyeuses ou dépressives, ces premières interactions sont capitales. Aussi perméable qu’une éponge, le bébé peut somatiser, c’est-à-dire s’exprimer à travers des « cris du corps » traduits par des troubles physiologiques, parce qu’il sent la détresse de sa mère, par exemple. Quand le bébé est contrarié, il manifeste un symptôme : c’est sa façon à lui de communiquer. Il tente de faire comprendre ce qu’il ne comprend pas mais qui le fait souffrir dans sa chair. Il tente de donner un sens à ce qu’il vit. « Ecoute-moi même si ta raison te dit que je ne peux pas parler » pourrait dire le bébé, écrit M. Szejer. C’est à travers ce langage organique que le nouveau-né va s’exprimer.

Ceci est paroxystique lorsque la mère est atteinte d’une psychose puerpérale maternelle ou d’une psychose préexistante.

L’intérêt de la psychanalyse auprès des bébés et de sa mère, paraît évident pour tous les praticiens engagés dans l’accueil et le soin de bébés présentant ces symptômes évocateurs d’une souffrance psychique précoce dans l’interaction. Quand une relation d’aide thérapeutique peut s’établir elle permet « d’activer et de récupérer les parties du monde interne du nourrisson qui avaient été exclues de la contenance, aboutissant à une reviviscence de la perturbation émotionnelle qui peut ensuite être élaborée dans la relation mère-bébé« , comme le proposait Johan Norman.

La psychanalyse des bébés me permet de décoder des images corporelles pour élucider des conflits qui menacent la cohésion interne du nourrisson. Les bébés « comprennent et disent, ils parlent en vo sans sous-titre » disait Françoise Dolto. Grâce aux paroles dites, les symptômes même les plus sévères peuvent régresser en quelques séances d’analyse mère-bébé.

Procréation Médicalement Assistée : PMA

  « L’enfant commence en nous bien avant son commencement. Il y a des grossesses qui durent des années d’espoir, des éternités de désespoir ».
M. Zvataieva

Désir d’enfant et P.M.A

« J’veux un enfant, J’veux dans mon ventre, Sentir la sang,  La vie dedans, J’veux un enfant. Passe 28 jours, Les doigts croisés, J’attends mon tour, Sur mes dessous, Le sang revient, Comme toujours. J’me sens bien seule (…), J’ai envie d’hurler, J’ai envie de pleurer, J’m’accroche à ton cou, Qu’est ce qu’ils ont les autres, de Plus que nous ? ».J’attends mon tour, Sur mes dessous,                               

Extrait de la chanson      « je veux un enfant » du groupe « Brigitte ».

Désir d’enfant et stérilité

Désirer un enfant consciemment ne mène pas inéluctablement à une grossesse. Aléatoire, même si elle se voudrait programmée, la grossesse ne survient pas automatiquement bien qu’ardemment désirée parfois. Illusion de maitrise, depuis que la contraception permet aux femmes de signifier leur désir d’enfant par l’arrêt de cette dernière, elle n’en demeure pas moins arbitraire. En effet l’inconscient a ses raisons que le cœur ignore pourrait on dire.

Or, des blocages inconscients entrent à l’œuvre quand il s’agit de réaliser ce souhait. Concilier réalisation sociale pour les femmes et maternité semblent générer bien des ambigüités enfouies dans la mise en œuvre de ce projet familial. Que recouvre fondamentalement ce désir ? Si de véritables problématiques physiologiques sont à considérer, il arrive qu’aucun fondement biologique ne vienne attester cette stérilité. La souffrance psychique et l’incompréhension s’installent alors, rendant patents d’autres raisons sibyllines dont l’inconscient est le garant. L’attente n’en est que plus douloureuse, les doutes plus prégnants.

Recourir à la PMA : Procréation Médicalement Assistée

La question de l’infertilité est un véritable traumatisme, que ce soit pour l’homme qui veut devenir père, ou la femme qui désire un enfant. Que cette infertilité soit la conséquence d’une maladie, ou qu’elle ne soit pas d’origine organique, elle fait souffrir. Sur le plan narcissique celui ou celle qui ne peut procréer le vit comme une véritable blessure.

Aujourd’hui, à l’heure où la PMA (Procréation Médicalement Assistée) existe, nombreux sont les couples qui ont recours à la technologie pour assouvir leur désir d’être parent. Or le parcours médical qu’ils doivent entreprendre est souvent long et douloureux, la grossesse tant désirée ne survenant pas rapidement. Entre tentative(s) qui échoue(nt), grossesse démarrée qui n’aboutit pas, traitements, rendez-vous médicaux, cette aventure demande un investissement sans faille dans un parcours semé de péripéties auxquelles le couple ne s’attendait pas forcément. Que recouvre ce désir d’enfant ?

Ce désir d’enfant mérite d’être exploré. Ce désir inassouvi est pour la femme ou l’homme stérile, une atteinte narcissique très compréhensible qui peut générer une vraie dépression. La femme ne peut transmettre la vie telle que sa mère l’a fait pour elle et la rendant libre de sa « dette de vie » envers elle.

Désirer un enfant relève de nombreux enjeux inconscients. Le traitement de la stérilité passe par un traitement psychique qu’elle entraine. Mener en parallèle d’une Procréation Médicalement Assistée, un suivi thérapeutique peut s’avérer très porteur. La question de l’infertilité, de la filiation mais également ce qui se vit dans le corps est précisément éprouvant car rien n’est simple durant ce trajet qui dure souvent quelques années de vie, des années de désir.

Interrompre une grossesse : IVG, IMG un deuil à faire

« T’as reçu un grand coup, Un coup de vie dans l’ventre, Un coup de vent dans ta vie, Mais reste calme, je t’en supplie (…) Juste au mauvais moment, Une poussière d’ange t’est tombée dedans Tu f’rais une super maman, Mais pas maintenant, non pas maintenant « 
Chanson « Poussière d’Ange » – Ariane Moffatt

Aucune grossesse n’est anodine.
Qu’il s’agisse d’un diagnostic anténatal compliqué, d’une grossesse difficile, ou d’un post partum, la question du traumatisme, de l’effraction psychique n’est jamais loin. Aussi il me semble important de prendre en compte, dans la mouvance de la thérapie familiale, tous les acteurs de la famille dans le sens transgénérationnel, tant les ascendants que les descendants.

Deuil Périnatal, I.M.G, I.V.G

Le deuil périnatal est, sans doute, celui qui a le moins de sens, car il est en absolue contradiction avec le désir de faire advenir la vie.

La fausse couche inopinée ou la mort d’un enfant à sa naissance est antinomique avec le projet de vie que la future mère formait pendant sa grossesse. Souvent générateur de culpabilité – la mère veut fantasmatiquement comprendre ce qu’elle a fait ou n’a pas fait pour que son enfant ne survive pas – ce deuil est particulièrement délicat. L’entourage ne sait que dire, s’il ose aborder le sujet, les parents sont sidérés, voire dans le déni, mécanisme de défense louable pour la psyché quand un tel drame survient. La façon dont le deuil va être vécu se fera en fonction de différents paramètres. Comme « tout deuil, telle la limaille de fer, attire d’autres deuils non faits », comme le soulignait Torok, la mort périnatale peut réveiller d’autres deuils encryptés. Mais ce qui est spécifique au deuil périnatal, c’est que la mort survient là où toute une vie et un être en construction étaient l’objet de projections. Et soudain, c’est le vide, à l’intérieur de soi, dans la chaine familiale. Or, pour éviter un deuil pathologique, il est essentiel de faire exister cet enfant mort, même si, à vif, dans le tranchant de la douleur, cela peut être très éprouvant, voire paraitre insensé. Cela est rendu possible, surtout dans les dernières décennies, grâce à un personnel médical compétent, en effectuant certains rituels de deuil propres à cette perte.

Ainsi, il est important que les parents puissent être accompagnés pour voir leur enfant à la maternité, lieu hautement symbolique, voire de faire une photo, conserver le bracelet de naissance afin de matérialiser ce décès, car non seulement la mère a imaginé un enfant qu’elle ne verra pas grandir, alors qu’elle l’a senti dans son ventre, mais il disparait de surcroit physiquement. Il est également important pour les parents de pouvoir nommer leur enfant et l’inscrire à l’état civil et donc sur le livret de famille. Enfin une cérémonie d’adieu clôt ces premiers moments douloureux et permet non seulement de dire sa douleur à son entourage mais également de sceller un adieu. Ces rituels symboliques ont une fonction de contenance et d’inscription de l’enfant mort. S’ils semblent avoir peu de sens sur le moment, ils peuvent à plus long terme, lorsque le moment de sidération ou de déni seront passés, permettre aux parents de vivre leur deuil un peu moins péniblement.

Tomber enceinte n’est jamais anodin. Et même si la femme enceinte a recours à l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse), cette dernière n’est pas sans conséquence psychologique. En effet, parfois tomber enceinte est une façon de se rassurer sur sa capacité à procréer. Parfois encore le besoin d’enfanter fait suite à un deuil récent : dans un élan de vie, la femme ressent le besoin impétueux, sur le plan inconscient de tomber enceinte. Même une interruption de grossesse voulue peut avoir de lourdes conséquences à plus long terme : à l’occasion d’une nouvelle grossesse, parce qu’une stérilité se déclare ensuite. Il est donc essentiel pour celles qui font ce choix de suivre le protocole médical et d’avoir les entretiens utiles avant que ce geste soit accompli.

L’IMG (Interruption Médicale de Grossesse) est préconisée lorsque le fœtus est atteint d’une maladie ou lorsque la venue de l’enfant met en danger la vie de sa mère. Elle est particulièrement douloureuse à vivre qu’elle est inattendue dans le sens ou aucun examen ne le laissait prévoir. Elle questionne aussi les parents sur leur capacité à pouvoir concevoir un enfant en bonne santé. Souvent très culpabilisante parce qu’active, elle nécessite un suivi thérapeutique en amont comme en aval de l’interruption.

Un suivi thérapeutique d’orientation analytique est particulièrement précieux suite à une prévention de cas de mort in-utéro, mais également à la suite d’un cas de mort in-utéro, de réduction embryonnaire, d’I.M.G, D’I.V.G, de deuil non fait d’un enfant mort ou d’une fausse couche spontanée, grossesse extra-utérine ou suite à une mort spontanée du nourrisson. Ces deuils très marquants doivent être parlés pour ne pas s’encrypter à la génération suivante, ou dans l’enfant suivant. Vivre son deuil pour un parent, père ou mère endeuillé, est particulièrement complexe car le chagrin vécu est difficilement partageable pour ceux qui n’ont pas vécu cette expérience.